86. La Transformation
- blue8white
- 13 déc. 2018
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 mars 2023
Je ne sais pas combien de temps je suis restée là à pleurer toutes les larmes de mon corps, mais quand je relève enfin la tête, je constate que la nuit commence à tomber.

Il faut que je rentre chez moi, prévenir Chogan, Hota, tatie Dakota, que Luna est vivante. Et qu'elle est à la botte de Vladislaus... Je me relève difficilement. Mon cou et mon visage sont déjà guéris je le sens, du moins je n'ai plus mal. Mes joues et mes bras sont encore humides des larmes que j'avais versé. J'allais inspecter mes jambes quand j'entends quelqu'un arriver dans mon dos.

"Séléné ?! Ca va ?" La voix de Théo me prend au dépourvu. Mais ce n'est rien comparé à son apparence. Il avait coupé ses cheveux, y compris sa mèche qui cachait le côté scarifié de son visage.

- Tu... Tu as coupé tes cheveux ? Je me contente de dire. - Oui. J'en avais assez de cette mèche et de me cacher. - C'est bien...

Je baisse la tête, parce que je rougis mais surtout parce que je ne veux pas qu'il me voit dans cet état. Sauf qu'il pose ses doigts sur mon menton pour relever ma tête.
- Tu pleures ? Qu'est-ce qui s'est passé ?! De nouveau, je craque.

Théo me serre dans ses bras en me disant des paroles apaisantes, tout en caressant mon dos de sa main. Il est tellement doux... Je m'en veux tellement de lui cacher ce que je suis réellement mais j'ai besoin de lui, de son soutien, de ses bras, de ses caresses...

Je redresse la tête pour le regarder. Ses yeux bleus sont si beaux, même son visage est parfait malgré les cicatrices sur sa joue. Lentement, j'approche ma main sur sa joue : - Séléné... Il souffle, tendu. Il ne me repousse pas quand mes doigts effleurent ses cicatrices. Je lis tant d'affection dans ses yeux que je rends les armes et cède à mon désir de l'embrasser.

Ses lèvres sont douces, tout comme ce baiser. Mais la douceur laisse rapidement place à quelque chose de plus intense, plus fiévreux. J'entends nos deux cœurs battre à l'unisson, comme si nous ne faisions qu'un.

Je rompt notre baiser la première, à bout de souffle.
Quelque chose cloche. Mon corps continue de trembler et je suis bouillante. Bien sûr notre baiser y est pour quelque chose, mais seulement...

Théo se rend compte de quelque chose car il ne sourit plus. - Ca ne va pas Séléné ? Tu... Tu n'as pas aimé c'est ça ?

Je ne peux pas répondre, je suis incapable de me concentrer sur autre chose que mon corps brûlant et cette douleur qui commence à me gagner. - Je... Je... Je dois partir. Tout de suite !

Sans attendre de réponse, je fais demi-tour et me met à mise à courir tant bien que mal, laissant Théo dans l'incompréhension la plus totale.

Je n'ai plus la notion de rien, ni du temps ni où je vais. A mesure que je cours, la douleur s'intensifie jusqu'à devenir insupportable.

Mes jambes se dérobent sous moi. Je m'écroule lourdement par terre en retenant un cri de douleur.

Mais ce n'est rien, comparé à la douleur que je ressens quelques minutes plus tard quand mes os se mettent à craquer. Je ne peux retenir un hurlement de douleur cette fois-ci.

Je savais ce qui m'arrivait. Le trop plein d'émotions de la journée a engagé le processus de transformation. Tout mon corps se déforme, c'est une sensation horrible et je n'ai qu'une hâte, c'est que ça se termine. Lentement, je sens mes sens s'aiguiser, ma vue s'intensifier, des poils poussent partout sur mon corps et je sens un truc qui pend derrière moi... Une queue. Je suis une louve. C'est incroyable !

Difficilement, j'avance vers la rivière pour admirer mon reflet et j'ai un mouvement de recul en me voyant. Je ressemble tellement à Chogan ! A part que mes yeux qui sont jaunes et il me semble que le bout de mon museau est plus roux que celui de mon frère. Euphorique et sentant que je tiens bien sur mes pattes, je me balade dans le parc.

Cette impression de liberté est si enivrante ! J'ai envie de hurler mais cette fois-ci, de joie.

Le soucis c'est que je ne sais pas du tout comment retrouver mon apparence humaine. Je ne peux pas rentrer à la maison comme ça sans risquer de tomber sur des humains. Chogan et Jacklyn vont s'inquiéter mais je n'ai pas le choix, je dois d'abord trouver comment redevenir humaine.
___
J'arrive à retrouver ma forme humaine seulement à l'aube. Je rentre immédiatement à la maison où je suis accueillie par Chogan et tatie Dakota.


- Bon sang mais où t'étais passée ?! On s'est fait un sang d'encre ! Tonton Rémi, Hota, Andy et même Uma et Keme sont là. - Je suis désolée. La journée d'hier a été riche en émotion et... Je me suis transformée.

Je raconte tous les événements de la veille, sans omettre ma confrontation avec Luna. Chogan devient blanc comme un mort et tatie Dakota fond en larmes

Aucun d'eux ne s'attendaient à de telles nouvelles. - Ils ne vont pas en rester là. - C'est ce que j'ai cru comprendre. Surtout Luna, elle tient absolument à devenir Alpha et elle est prête à tout pour y arriver. - On pourrait essayer de la raisonner ? S'interroge tatie Dakota. - J'ai essayé tatie, mais impossible de lui faire entendre raison. Tu aurais vu ses yeux luisants...

- Luisants tu dis ? Demande Hota. - Oui. J'avais l'impression de regarder deux volcans en éruption. - Merde c'est pas bon signe... - Sa louve a pris le dessus n'est-ce pas ? Devine ma tante. - J'en ai bien peur... Voyant que je suis un peu perdue, Hota précise : "Ce qui est arrivé à ta mère est arrivée à Luna." Là c'est beaucoup plus clair... - Tu crois qu'elle pourrait faire comme maman ? Maîtriser son côté loup ?

- Ca m'a l'air mal embarqué... A mon avis, Vladislaus n'a rien fait pour l'aider, ou plutôt si il l'a aidé : à la faire sortir et prendre le dessus. Je baisse la tête, dépitée. - Je vais prendre une douche. Sous l'eau, les événements de la veille me reviennent à l'esprit, y compris le baiser échangé avec Théo que je n'avais pas évoqué avec les autres. Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais ce que je sais c'est que la situation m'a complètement échappée. Qu'est-ce que j'allais faire maintenant ?

Lui dire que je n'ai pas aimé ? Non, car ça serait lui mentir et je lui mens déjà bien assez comme ça... Lui dire que c'était une mauvais idée et qu'on devrait en rester là ? Cette pensée m'attriste. Je ne veux pas couper les ponts avec lui, pourtant j'avais mille et une raisons de le faire, la plus importante étant sa sécurité. Avec ma sœur dans les parages, il n'était plus à l'abri du danger. Sans compter que je ne pourrais plus le dissuader de venger sa famille.

Son visage quand j'ai pris la fuite me hante, il avait l'air tellement triste... Il faut que je le vois, que je trouve quelque chose à lui dire. Je soupire. Moi qui ne voulait pas m'attacher... Je sors de la douche avant d'enfiler ma robe. Au moment où je termine de me coiffer, on frappe à la porte de la salle de bain. - C'est Andy et Hota, on peut entrer ? - Oui j'ai fini. - T'es prête pour aller à Windenburg ?

J'avais complètement oublié qu'on devait chercher la maison de Zophia aujourd'hui. - Bien sûr. Mais d'abord il faut que j'aille voir quelqu'un à Brindleton Bay. - Est-ce que c'est urgent ? - Pour moi oui, je réponds, en regardant Hota. - Très bien, dans ce cas on vient avec toi. - Non ! Je m'empresse de dire. Je préfère y aller seule. - Ah ! Y'a un mec dans l'histoire ! S'exclame Andy.

Je rougis. - On se rejoint chez Hota d'accord ?
Il soupire. - Comme tu veux. - Tu nous le présentera hein ?! - Andy... - Quoi Hota ?! Faut bien qu'on sache qui c'est pour voir s'il est digne de confiance !

"Si tu savais Andy..." Je me dis.
♦♦♦
Brindleton Bay n'est pas très loin de Windenburg. Je traverse la forêt sous ma forme de loup pour arriver plus rapidement chez Théo. Je ne suis jamais été chez lui, mais je connaissais son adresse. Avec mon flair, c'est une formalité de trouver sa maison. Je reprend forme humaine dans un buisson avant d'avancer vers la maison. Son odeur est bien présente mais il n'a pas l'air d'être chez lui. A cette heure-ci, il devait être encore au lycée, mais je frappe à la porte malgré tout au cas où...

Personne. Comme il va être 15 heures je décide de l'attendre en réfléchissant à ce que je vais bien pouvoir lui dire.

Il s'écoule environ vingt minutes quand soudain, son odeur s'intensifie. Il n'est pas loin. Je me relève en le voyant tandis que lui s'arrête net. Je sens mes joues s'enflammer en me remémorant le baiser d'hier.

- Bonjour Théo, je le salue timidement. - Salut Séléné.

Son ton est prudent. - Je ne m'attendais pas à te voir devant chez moi. - Oui je m'en doute. Mais il fallait que je te parle... A propos d'hier soir... - Je sais déjà ce que tu vas me dire il me coupe, peiné. Tu veux qu'on reste amis. Je comprends tu sais. - Non je... Ce n'est pas ce que je... Je suis venue pour m'excuser d'avoir pris la fuite. J'étais déjà bouleversée parce que ma sœur que je croyais morte est en faite bien vivante, et elle m'en veut de l'avoir abandonné, ensuite tu es arrivée avec ta nouvelle coiffure et je me suis dit que tu étais vraiment beau comme ça et puis il y a eu notre baiser qui m'a toute chamboulé et je...

Je suis un vrai moulin à paroles. Je m'interrompt en le voyant sourire. - Pourquoi tu souris ? - Tu as dis que j'étais... Beau ?

Il rougit à son tour. - Ben oui... Tu l'as toujours était... Il s'approche de moi, ses yeux bleus ne lâchant pas les miens. - Et toi tu es magnifique.

Est-ce qu'il dirait la même s'il savait qui je suis ? Rien n'est moins sûr. Il caresse ma joue comme je l'avais fait la vieille avec la sienne et comme la veille, je fais le premier pas.

Ses bras m'attirent plus près de lui encore, toute timidité envolée. Je rompt notre baiser pour enfouir mon visage dan son cou. Il sent tellement bon. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je serais restée dans ses bras durant des heures, mais on m'attendait à Windenburg.

A contrecoeur, je recule. - Tu veux entrer ? Il me propose d'une voix plus rauque qu'à l'accoutumée. - J'aurais aimé te dire oui mais je dois rejoindre ma famille à Windenburg. Ils m'attendent. Il est un peu déçu mais acquiesce. - D'accord. Une autre fois alors ? - Avec plaisir.

Puis j'ajoute : - Au faite, tu viendras à ma fête d'anniversaire ? - Je ne raterais ça pour rien au monde !

Je l'embrasse une dernière fois avant de prendre la route vers Windenburg. Malgré la situation, je suis aux Anges. Ca doit être ça qu'on ressent quand on est amoureux... A quoi bon continuer à faire comme si mes sentiments pour lui n'existaient pas ? Ils étaient bel et bien réel et ce, depuis un moment. J'ai voulu le protéger, je le veux toujours d'ailleurs, mais ça n'avait été qu'un prétexte pour être auprès de lui.

Seul l'avenir nous dira si j'ai eu raison ou tort de m'aventurer sur ce terrain. En attendant, je vais profiter du bonheur que me procure Théo, bonheur auquel je n'ai plus goûté depuis la mort de mes parents.

Penser à eux me rappelle que Hota et Andy m'attendent. Après avoir vérifié que personne ne traînait dans les bois, je me transforme et cours en direction de la maison d'Hota.
___

- C'est pas possible ça ! Où est-ce qu'elle se cache cette sorcière de malheur ?! - On va bien finir par la trouver. Andy, Hota et moi avons passé l'après-midi à arpenter les bois, à la recherche de Zophia. Andy commence à perdre patience.

- On a du louper quelque chose, je dis en continuant d'avancer. Hota ne dit rien, lui aussi commence à perdre espoir. - On ferait peut être mieux de rentrer, il dit finalement. Je me suis peut-être trompé quelque part. - Non ! On doit continuer à chercher. - C'est ton chéri qui te donnes cette optimisme ? Me taquine Andy. Je lève aux ciel non sans esquisser un petit sourire.

- Au moins moi je ne chouine pas comme une enfant. - Hey ! Je ne chouine pas ! Je désespère, c'est différent.

J'allais répliquer quand je remarque de la fumée qui s'élève dans le ciel. - Vous avez vu ? Je demande en pointant du doigt dans la direction de la fumée. - Je ne vois rien moi. - Pareil pour moi. - Mais si là ! Il y a de la fumée.

- Ca y est elle délire... - Non je ne délire pas, je réplique en marchant vers la maison qui doit abriter une cheminée. Mes compagnons m'emboitent le pas et s'arrêtent en même temps que moi. Elle est là.

J'ai sous les yeux la maison en pierre qui se trouve dans les livres qu'Hota et Andy ont trouvé sur Zophia. - On l'a trouvé ! Je m'exclame, soulagée. - Trouver quoi ? - Mais... La maison ! Elle est là juste devant nous ! - Il n'y a rien ici Séléné dit Hota en me regardant bizarrement.

- Vous me faite une blague c'est ça ? - Non pas du tout, dit Andy. Je ne comprends rien. Pourquoi je vois la maison et pas eux ? - Pourtant je vous jure qu'elle est là. Et c'est la même maison que sur les livres. - Peut être qu'elle est protégée par un sort dit Hota, pensif. - Ah ouais pas con ça. Mais pourquoi Séléné la voit et pas nous ? - Il est possible que Séléné ne soit pas seulement immunisée contre l'hypnose mais contre tous les pouvoirs psychiques.

Je le regarde, médusée. - C'est soit ça, soit Zophia souhaite que tu sois la seule à lui rendre visite, d'où le fait qu'on ne voit pas sa maison mais que toi oui. - Il n'y a qu'une façon de le savoir, je dis, déterminée. J'avance vers la maison, mes compagnons me demandant d'être prudente.

Une fois devant la porte j'hésite à frapper. Une voix à l'intérieur se fait entendre. - Entre petite louve !

Bon... Au moins ça répond à une question : Zophia m'attendait.
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